
J’ai parfois l’impression de vivre un mauvais rêve. Alors qu’hier on se battait pour sauver l’humanité des conséquences du réchauffement climatique, aujourd’hui nous n’en avons plus que pour la politique américaine. Chacun des gestes du nouveau président et de sa cour est scruté, analysé et abondamment discuté dans les médias. Il faut admettre que M. Trump est doué pour faire parler de lui. Néanmoins, cela est préoccupant, car il semble sérieux dans la mission qu’il s’est donnée « Make America Great Again ». Il veut faire du Canada le 51e État américain ! Selon son interprétation, les États-Unis doivent reprendre la première position dans l’économie mondiale et les économies satellites doivent rapporter aux États-Unis. Pour appuyer mon propos, je le cite :
Mais si vous ne fabriquez pas vos produits en Amérique, ce qui est votre droit,
alors c’est simple, vous devrez payer des droits de douane.
Donald Trump, 23 janvier 2025 devant le Forum économique mondial de Davos
Dérive de la démocratie libérale
Nous assistons actuellement à une dérive de la démocratie libérale vers une oligarchie libertaire. Le pouvoir presque absolu de Donald Trump aux États-Unis lui donne la possibilité de mettre à exécution ses menaces. L’idéologie libertarienne repose sur l’idée que toute intervention de l’État dans le marché constitue une contrainte inacceptable, à l’exception de la protection de la propriété privée. Je vous invite à lire à ce sujet l’article très éclairant de Karel Mayrand dans l’Actualité. Alors, l’intervention de l’État américain libèrera les Canadiens et l’économie canadienne de l’emprise du gouvernement, selon cette doctrine. Cela signifie aussi une opportunité d’affaires pour de nombreuses entreprises. Je m’inquiétais du déficit démocratique dans le plan de transition énergétique au Québec. Aujourd’hui, c’est du déclin des institutions démocratiques mondiales dont je m’inquiète. Le pouvoir citoyen semble réduit au droit de vote, pour le reste il n’y a qu’à regarder passer la parade.
Ailleurs dans le monde
Pour diminuer l’inflation aux États-Unis, le président Trump a demandé à l’Arabie Saoudite et à l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) de baisser le prix des hydrocarbures. Il ajoute que cette stratégie mettra fin au conflit en Ukraine, car la Russie retire beaucoup de revenus du pétrole. Le prince héritier saoudien a répondu en promettant d’investir minimalement 600 milliards dans l’économie américaine d’ici les 4 prochaines années. Cependant, il désire maintenir les prix du pétrole au niveau actuel.
Il n’y a pas de position unanime en Europe devant la volonté de domination américaine. Néanmoins, beaucoup de patrons européens ont apprécié le discours du président au Forum économique de Davos. Les visées d’expansion territoriale du président américain ne concerne pas l’Europe sauf en ce qui concerne le Groenland, territoire autonome danois.
Alors comment peut-on agir devant la menace d’annexion ?
Jean Chrétien a proposé une approche. Celle de la négociation et de l’élaboration d’une riposte des pays concernés par la volonté expansionniste du président. Cette voix m’a tout d’abord charmé et les sondages ont démontré le peu d’appétit des Canadiens pour l’annexion aux États-Unis[ii]. Depuis, l’Alberta semble vouloir faire cavalier seul, la petite province riche de son pétrole que les impôts de tous les Canadiens ont permis d’exploiter, croit pouvoir faire mieux sans le gouvernement fédéral[iii]. Il faut se rappeler les nombreuses doléances albertaines envers la fédération canadienne. Ils ont vite oublié que l’exploitation des sables bitumineux a été rendue possible avec les investissements du Canada. Enfin, on ne refera pas l’histoire.
Il ne faut jamais oublier que pour danser le tango, il faut être deux. Un sondage Angus Reid du 14 janvier dernier montre que les Américains n’ont pas davantage d’appétit pour l’annexion du Canada. 25 % des Américains sont d’avis qu’advenant l’annexion du Canada aux États-Unis, celui-ci devrait être considéré comme territoire américain à l’instar de Porto Rico plutôt qu’un État.
Avons-nous vraiment le choix ?
C’est une question qui me semble sans réponse actuellement. La stratégie d’évitement de l’Arabie Saoudite évite la confrontation et permet au président d’atteindre son objectif. Que peut proposer le Canada ? Au niveau économique, le premier ministre Legault nous dit de nous préparer à une récession. Dommage qu’il ait gaspillé beaucoup trop de fonds publics dans sa filière batterie, cet argent public aurait pu nous aider à encaisser le choc. Enfin, c’est le passé.
Justin Trudeau a démissionné, les Libéraux fédéraux font une course à la chefferie. Pierre Poilievre adopte une attitude mièvre devant les vues impérialistes de Donald Trump. Il n’a pas su adapter son discours. Le Bloc sera éternellement un parti d’opposition et le NPD a très peu de chance de gagner les prochaines élections fédérales.
Pas de réponse facile.
Tout bien considéré, il n’y a pas de réponse facile à cette question, est-ce que le Canada deviendra le 51e État américain ? Il est clair que la menace doit être prise au sérieux. Le système de contrepoids généralement efficace relativement aux pouvoirs du président américain n’existe plus puisque les Républicains détiennent la majorité à la Chambre de Représentants et au Sénat. À la Cour suprême, les juges l’appuient et il débute son mandat. Il ne nous reste donc qu’à espérer que les négociations entre les deux pays soient efficaces afin que les Canadiens ne perdent pas au change en subissant la volonté expansionniste du président Trump.
Si vous avez des réponses, je vous invite à me les partager, serons-nous prochainement le 51e État américain ?
J’ose espérer que la volonté des Canadiens primera sur les visées expansionnistes de Trump. Notre monarchie parlementaire ne fonctionne pas du tout comme le système américain, moins démocratique à mon avis. La proposition de M. Chrétien de former des alliances me semble prometteuse mais pour y arriver, il faudrait peut-être que les provinces et territoires canadiens s’entendent, or pour l’instant, chacun semble faire cavalier seul…